Le traditionnel changement d’heure est désormais passé. Avez-vous saisi l’occasion de rattraper un peu du sommeil qui vous manquait tant ? Pour ceux qui n’ont pu en profiter et qui ont encore du mal à sortir du lit, quelques habitudes simples peuvent changer la donne, en commençant par ce qui se trouve dans notre assiette.
Chacun de nous passe en moyenne 1/3 de sa vie à dormir, de quoi saisir l’importance de cette phase de la journée. Pourtant, 33 % de la population souffre de troubles du sommeil, dont 84 % d’insomnie[1] ! Des chiffres alarmants quand on connaît les conséquences que peut avoir le manque de sommeil : manque d’énergie, de dynamisme ou encore de concentration. Au-delà de trois jours sans dormir, on peut avoir des hallucinations, preuve qu’un bon équilibre à la fois physique et intellectuel passe par un sommeil suffisant et efficace, que l’on peut favoriser par quelques pratiques alimentaires.
Comment ça marche ?
Nous ne pouvons aborder l’influence de l’alimentation sur le sommeil sans passer par quelques explications biologiques et physiologiques.
Lorsqu’il est question de sommeil, une substance est souvent mise en avant : la mélatonine. Qualifiée d’hormone du sommeil, elle dérive d’un neurotransmetteur, la sérotonine, qui dérive elle–même du tryptophane. Le tryptophane est un acide aminé essentiel, c’est-à-dire un constituant de base des protéines qui ne peut être synthétisé par l’organisme et qui doit donc être apporté par l’alimentation. On prête aussi souvent au tryptophane des propriétés antidépressives.
Partant de là, il serait tentant d’établir le constat : « manger plus de protéines pour mieux dormir ». Bien au contraire ! Il est souvent conseillé aux personnes ayant un sommeil perturbé d’opter pour un dîner riche en glucides complexes et comportant une faible portion de protéines.
Explications : adopter une alimentation riche en protéines entraîne une augmentation de la consommation d’autres acides aminés, qui entrent en compétition avec l’assimilation du tryptophane.
En revanche, la consommation de glucides entraîne une sécrétion d’insuline qui va éliminer une partie de ces acides aminés compétitifs du tryptophane. L’augmentation de sérotonine qui s’en suit diminue l’excitation et l’anxiété, favorisant temporairement une sensation de bien-être et de sécurité.
Cependant, opter pour un tel régime n’est pas exempt de tout désavantage : l’insuline accroît aussi la conversion de certains nutriments en graisses corporelles stockées.
D’autre part, la molécule permettant de transformer le tryptophane en sérotonine ne peut fonctionner sans vitamine B6, qui serait donc aussi à privilégier si l’on souhaite recouvrer un sommeil de bonne qualité.
De nombreux aliments sont sources de tryptophane : viandes, poissons, œuf, produits laitiers, riz complet, arachides, légumineuses (pois, lentilles…), le chocolat, la banane ou encore les fruits secs (amande, noix de cajou…).
La vitamine B6 quant à elle, peut se retrouver dans plusieurs poissons (thon, saumon, flétan, morue …), le foie de bœuf ou d’agneau, les volailles (poulet, dinde…), la banane ou encore les pruneaux.
En conclusion, pour favoriser un sommeil naturel et réparateur, privilégiez un repas riche en glucides et pauvre en protéines, comme par exemple des pâtes complètes au poulet et poireaux :
- 150 g de pâtes complètes cuites
- 50 g de blanc de poulet
- 100 g de poireaux revenus à la poêle avec un filet d’huile d’olive
- 1 banane
- 1 yaourt nature, accompagné de sucre roux (environ 10 g)
Ce repas vous apportera 89 g de glucides (33 % des RNJ), 27 g de protéines (53 % des RNJ) et couvrira 66 % de vos besoins en vitamine B6. Le tout pour seulement 450 kcal (22,5 % des RNJ).
Du côté des compléments alimentaires, on retrouve des nutriments reconnus pour leur effet sur la fatigue ou l’endormissement :
- La mélatonine contribue à réduire le temps d’endormissement et à atténuer les effets du décalage horaire.
- Le magnésium, le fer et les vitamines B2, B3, B5, B9, B12 et C contribuent à réduire la fatigue, important lorsqu’il s’agit de redonner un rythme convenable aux cycles sommeil/éveil.
« Une tisane et au lit ! »
Qui n’a jamais entendu ses parents ou grands-parents utiliser cette phrase ? Si désuet qu’il puisse paraître, il s’agit d’un conseil très judicieux. En effet, la tisane, ou autre boisson chaude, reste souvent à privilégier aux boissons fraîches.
Ceci est surtout vrai lors des périodes chaudes lorsqu’on cherche à se rafraîchir. En effet, la température du corps doit rester à 37 C° et est donc contrôlée par l’organisme. Quand on ingère une boisson froide, on ressent un rafraîchissement mais qui n’est que temporaire. L’organisme doit alors dépenser de l’énergie, et donc dégager de la chaleur, pour ramener la température interne à 37 C°, ce qui va donc à l’encontre de l’effet recherché. Dans cette même logique, les repas trop copieux ou trop riches en gras et en protéines sont à éviter car ils prolongent la digestion, activité physiologique qui consomme de l’énergie. Suivre ces conseils permettra donc de faciliter le repos de votre organisme qui doit abaisser sa température avant la phase de sommeil. D’autre part, l’infusion de plantes dans l’eau chaude permet la libération de différents principes actifs, chacun ayant son propre mode d’action sur l’organisme. Parmi les plantes agissant sur le sommeil, on peut citer la verveine, la passiflore, le houblon ou la valériane, qui facilite l’endormissement et favorise un sommeil naturel et réparateur.
Café, thé et alcool : pourquoi sont-ils mauvais pour nos nuits ?
La caféine, constituant phare des boissons énergisantes, est bien évidemment à éviter le soir quand on ne trouve pas les bras de Morphée. Si ce constat est bien appliqué en ce qui concerne le café, il est tout aussi valable pour le thé.
En effet, la théine, molécule stimulante caractéristique du thé, n’est en rien différente de la caféine : il s’agit du même composé. La différence réside dans la concentration en caféine des deux boissons, le café en comportant 3 à 4 fois plus pour un même volume de liquide.
De plus, des composés présents dans le thé ralentissent l’assimilation de la théine, lui procurant un effet stimulant pouvant durer jusqu’à 6 heures. C’est pourquoi il est préférable de ne pas boire de thé passé 16 - 17 heures. Au niveau biologique, la caféine inhibe la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui contribue à diminuer le temps d’endormissement[2].
Qu’en est-il de l’alcool, qui a la réputation de garantir un sommeil de plomb ? Bien que facilitant la phase d’assoupissement, il provoque à retardement des sécrétions d’adrénaline, qui stimule l’organisme, inhibe l’action du tryptophane sur le cerveau et fait chuter le taux de mélatonine. La conjugaison de ces différents effets empêche l’organisme de passer à la phase de sommeil profond, phase de récupération pour notre corps et notre cerveau.
Vous l’avez compris, votre assiette peut devenir votre allié ou votre ennemi quand il est question de bien dormir. Mais le constat est aussi valable dans l’autre sens. En effet, le risque d’obésité augmente de 55 % chez les personnes dormant moins de cinq heures par nuit, selon une étude italienne. Cela s’expliquerait par une diminution d’une hormone, la leptine, signalant au cerveau la satiété ainsi qu’une augmentation d’une hormone, la ghréline, augmentant l’appétit[3].
Article rédigé par Agathe, diététicienne-nutritionniste diplômée
[1] Enquête de l’INSV, réalisée avec le cabinet d’étude BVA Healthcare 03/2009
[2] http://www.passeportsante.net/fr/Nutrition/Dietes/Fiche.aspx?doc=insomnie-et-alimentation-questions-diete
[3] D’après une étude menée par Karine Spiegel (INSERM/UCBL-U628, Lyon)